Samedi 21 Décembre 2024
© Domaine de L'ARLOT
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03.06.2024
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Blanc ou rouge, rien ne bouge ? Sauf lorsque le réchauffement climatique s’en mêle. C’est la conclusion que l’on pourrait tirer de la belle verticale organisée par le domaine de l’Arlot au Bristol le 27 mai dernier. La stylistique des vins a énormément évolué en dix ans et nécessité des adaptations à la vigne et côté vinification, même si cela concerne sans doute davantage les rouges que les blancs.
Face au réchauffement climatique, comme tous les vignerons, le Domaine de l’Arlot, en Côte de Nuits, s’adapte. La principale mutation depuis le millésime 2021 réside dans les vinifications avec l’abandon de la vendange entière, c’est-à-dire de la cuvaison des grappes en conservant les rafles. Géraldine Godot, directrice technique, explique : « L’objectif est de garder davantage de fraîcheur dans les vins. Lorsque l’on travaille avec des vendanges entières, on perd en acidité. Nous préférons donc égrapper à 100 %. Dans ces conditions, la question est de savoir si nous parvenons à conserver dans le temps ces notes de petits fruits frais que l’on a initialement. À l’issue de la vinification, honnêtement, on ne voit pas la différence entre les deux techniques. Elle n’apparaît qu’après l’élevage en bouteille, et en l’occurrence c’est un marqueur pour la vendange entière qui fait un peu brouillon et qui ne nous correspondait pas ».
Une autre adaptation consiste à changer les méthodes d’extraction. « On travaille plus gentiment, on a abandonné le pigeage (opération qui consiste à enfoncer le chapeau), au profit des remontages (pompage du jus en bas de cuve pour le faire remonter en haut). ». Le vin perd ainsi ce côté trop structuré et tannique qu’il avait tendance à prendre pour gagner en légèreté et retrouver l’identité initiale des vins de Bourgogne qui a fait leur succès.
Nous avons pu nous convaincre de l’intérêt de ces changements de procédés en comparant les millésimes 2020 et 2022 du Clos des Forêts Saint Georges, deux années très similaires lorsque l’on regarde l’aspect climatique, avec des étés caniculaires et des vendanges précoces. 2020 frappe d’abord par sa robe presque noire, là où 2022 a conservé un peu plus de transparence. En bouche, 2020 est très aromatique, puissant, tannique, chaleureux, les notes de confiture de cassis ressemblent davantage à celles d’un Syrah des Côtes du Rhône qu'à celles d’un pinot noir. Le cépage est méconnaissable. 2022, peut-être grâce à ces changements dans la vinification, a effectivement plus de fraîcheur et d’élégance. On est sur la fraise des bois et la mûre, tout juste cueillies. Si l’abandon de la vendange entière a pu jouer dans la différence de styles entre 2022 et 2020, il faut noter quand même que le rendement de 2022 a été plus important, ce qui peut expliquer aussi la moindre concentration. On ajoutera que cette augmentation du rendement, qui sera observée également en 2023, rendait d’autant plus opportune la fin du recours aux vendanges entières. Le raisin avec les rafles prend en effet plus de place dans les cuves et il devenait difficile de le loger.
Si on remonte plus loin dans les millésimes, force est de constater que l’évolution stylistique du Clos sous l’influence du réchauffement climatique a de quoi impressionner. La dernière année que l’on pourrait qualifier de classique dans son expression est 2017, avec ses notes de cerise croquante. « Un millésime très sûr tant en blanc qu’en rouge, qui n’a jamais bougé, ne se ferme jamais, et dont l’expression est très aérienne, très souple. Une valeur sûre. » 2018 fait figure d’année de transition. Certes, la saison estivale a été caniculaire, mais par épisodes, et il y avait de l’eau ce qui a permis tout de même de maintenir un équilibre.
Des blancs plus constants
En ce qui concerne les blancs, il faut rappeler que sur la Côte de Nuits, cette production reste anecdotique. Néanmoins, même dans ce terroir iconique du pinot noir, on se préoccupe de l’évolution des goûts des consommateurs de plus en plus portés sur cette catégorie et les chardonnays ont tendance à gagner en surface. Le domaine de l’Arlot vient d'en planter 60 ares dans le Clos des forêts. Géraldine Godot raconte : « Dans cette partie haute du Clos des forêts, on a les mêmes sols calcaires que dans la partie plantée en blancs du Clos de l’Arlot. Cela faisait déjà un moment que l’on se posait la question. Il a fallu le temps de procéder à l’arrachage, de trouver les bons porte-greffes en tenant compte de la résistance à la sécheresse et aux gros épisodes de pluie, et nous devons encore laisser la vigne se développer... Voilà pourquoi la production ne devrait démarrer qu’en 2029 ». Christian Seely, le directeur général du domaine, commente amusé : « Notre situation est celle d’un capitaine d’un super tanker, il nous faut beaucoup d’anticipation pour changer de cap. Mais être vigneron, c’est quand même plus romantique ! »
Sur les blancs du Clos de l’Arlot, on constate également une évolution en lien avec le réchauffement, mais beaucoup moins marquée, mettant en lumière la plus forte résilience stylistique du chardonnay par rapport au pinot noir. Certes, sur les années les plus chaudes comme 2022, 2020 et 2019, on a de toute évidence quelque chose de plus rond, cela se traduit respectivement par des notes de poire, d’abricot, d’ananas rôti…. Mais on retrouve tout de même à travers tous les millésimes la même trame minérale en toile de fond, avec une salinité marquée et de beaux amers. L’autre fait marquant, c’est l’incroyable tenue du vin face au vieillissement. Géraldine Godot conclut : « J’ai travaillé dans d’autres secteurs de la Côte de Nuits. Sur le vieillissement des blancs, on était toujours un peu frileux. Cela correspondait aussi à une période où on vinifiait différemment, en bâtonnant par exemple. Il y avait cette réputation d’oxydation prématurée. Au Clos de l’Arlot, nous ne l’avons jamais eue. Il est vrai aussi que nous sommes très rigoureux sur certains aspects, comme la vendange, avec des cueillettes toujours très tôt le matin, pour conserver la fraîcheur. »
Terre de vins aime :
Le Clos de l’Arlot Blanc Monopole 2022 (Nuits Saint Georges 1er cru) : Un nez iodé, océanique, qui évoque la coquille d’huître pilée. Une bouche ciselée, saline, fumée, très minérale mais égayée par des notes de poire et de rose.
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