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Veuve Clicquot : Rich ou l’éclat du fruit

Auteur

Yves
Tesson

Date

09.01.2025

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Il existe une forme de snobisme chez certains chefs cuisiniers à ne plus proposer que des champagnes bruts natures, comme si le sucre était devenu un gros mot. Pourtant, ce marché est encore très réduit. À l’inverse, les amateurs de demi-secs sont souvent pris de haut, alors que, sans égaler les ventes des bruts, ils demeurent très présents dans certains pays (Afrique, États-Unis…) et que leur élaboration repose tout autant sur un savoir-faire. Le chef de caves Didier Mariotti et le chef Jean Imbert nous éclairent sur la cuvée Rich de Veuve Clicquot.

Pourquoi les becs à sucre devraient-ils se priver de champagne ? Surtout lorsqu’on s’aperçoit qu’un dosage appuyé vient souligner de nouvelles dimensions dans le vin, moins sur la minéralité, mais davantage sur le fruit. Le sucre a ce pouvoir d’exacerber ces arômes à la manière un peu des fruits au sirop, parce qu’au-delà du simple condiment, il s’agit aussi d’un extraordinaire exhausteur de saveurs.

C’est ce que nous explique Didier Mariotti, le chef de caves de la Maison Veuve Clicquot, lorsqu’il évoque sa cuvée Rich. « Quand je travaille sur ce vin, j’ai vraiment en tête le champagne que sortaient mes deux grands-mères pour les anniversaires, avec les bougies et le gâteau. Ce que je veux mettre en avant, c’est d’abord la gourmandise. » Pourtant, cette élaboration n’est pas sans écueils. « Le risque, c’est toujours d’avoir d’un côté le vin, et de l’autre le sucre. Les chefs cuisiniers ont le même problème lorsqu’ils ratent un dessert. Il faut donc trouver les moyens d’intégrer cette sucrosité. » 

Un fonctionnement « à l'envers »

D’où une manière d’envisager les choses un peu différente lorsque le chef de caves réalise l’assemblage. Sur un brut, on cherche d’abord à concevoir l’assemblage le plus équilibré possible sans penser au futur dosage. Celui-ci n’intervient que comme un léger ajustement final et on peut le réduire à souhait si le vin « s’auto-suffit ». Ici, on fonctionne à l’envers, c’est l’assemblage qui est préalablement pensé pour être capable d’intégrer une quantité aussi importante de sucre (50 g).

« Cela passe par deux paramètres. D’abord la recherche d’une certaine acidité que l’on trouve surtout dans le chardonnay. Elle apporte de la fraîcheur et évite de tomber dans la lourdeur. La combinaison de l’acidité au sucre donne aussi ce côté acidulé très addictif. Le deuxième élément qui vient moins spontanément à l’esprit, ce sont les amers. C’est souvent le pinot noir qui nous les apporte. Ils sont essentiels pour travailler la finale. Il ne faut surtout pas avoir un vin qui ne reste en bouche que par la sucrosité. Or justement, les amers ont l’avantage de demeurer longtemps sur le palais. Ce ne sont bien sûr pas les amers végétaux que j’ai en tête, mais plutôt ceux du noyau de pêche, de la griotte. Quant au meunier, il est là pour faire la passerelle entre les deux cépages, tout en amenant de la rondeur et de la générosité. »

©DR

On pourrait imaginer que le fruit étant à l’honneur dans les cuvées dosées, on réduise le vieillissement sur lie. En réalité, il n’en est rien, il est à peu près équivalent à celui du Yellow (brut de la Maison) et la quantité de vins de réserve n’est pas non plus négligeable. Simplement, son rôle est différent. « Sur le Yellow, le temps vient apporter le côté grillé, toasté et pralin. Là, ce sera plutôt le côté confit, à travers des notes de datte séchée, de Figolu, ce gâteau où on a à la fois la figue bien mûre et l’aspect pâtissier. » 

L'effet protecteur du sucre

La Maison a aussi pendant longtemps été l’une des rares à commercialiser un millésimé en version demi-sec. Et pour certains amateurs, elle le fait encore à la demande. L’intérêt, c’est que comme les millésimés sont des vins que les collectionneurs aiment bien garder un certain temps dans leur cave, ils bénéficient alors de l’effet protecteur du sucre. « On a pu observer à quel point dans les champagnes retrouvés au fond de la Baltique après plus de cent-soixante-dix ans, les dosages très élevés de l’époque avaient permis de conserver une fraîcheur incroyable. » Cela alimente d’ailleurs un débat en Champagne pour savoir s’il vaut mieux pour les cuvées œnothèques retarder ou non le dégorgement. En effet, l’oxygénation entraînée au dégorgement accélère le vieillissement du vin, mais en même temps le sucre ajouté jouera un rôle de conservateur utile pour une très longue garde.

L’accord de Jean Imbert

Côté accords, Jean Imbert, le chef du Plazza Athénée (Paris 8ᵉ), nous propose un pain au lait poêlé à l’huile d’olive, à l’intérieur duquel il a placé de l’avocat, du tourteau et une mayonnaise au curry à la manière d’un sando.

« J’ai souhaité quelque chose qui soit plutôt dans l’esprit "finger food", et je ne voulais surtout pas faire un accord sucre sur sucre. J’ai plutôt cherché la résonance sur la texture, avec le gras de l’avocat qui entre en écho avec celui donné au vin par le dosage. L’avocat se marie aussi très bien avec les fruits exotiques que l’on retrouve dans ce champagne. Il fallait que ce soit audacieux, parce que c’est ce que j’aime chez Veuve Clicquot. C’est une maison qui ose beaucoup, notamment dans les événements qu’elle organise. Il y a quelques mois, par exemple, j’ai participé à la création d’un banquet qui s’est déroulé au fond d’une crayère ! »

©DR

Le Rich, à l’honneur dans le Sun Club déployé par Veuve Clicquot l’été dernier sur le roof top du Printemps Haussmann à Paris, se consomme évidemment très frais (4 degrés). S’il est fortement encouragé d’ajouter des glaçons, il peut s’en passer, à la différence de l’Ice Champagne de Moët & Chandon. En effet, dans ce dernier cas, Benoît Gouez a travaillé son assemblage pour avoir volontairement trop de concentration, et c’est la dilution des glaçons qui vient rétablir l’équilibre du vin. Un autre concept donc, non moins ingénieux, mais pour un usage un peu différent.

Cet article est issu du magazine numéro 102 de « Terre de vins » intégralement consacré au champagne.