Jeudi 28 Novembre 2024
Valérie Lempereur, Directrice de la Valorisation à l'Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV)
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28.11.2024
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Œnologue de formation, Valérie Lempereur est Directrice de la Valorisation à l'Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV). Notamment en charge de l’animation du plan d’action de la filière autour du changement climatique, elle dresse un diagnostic sur les grands enjeux qui attendent la viticulture de demain.
Ils sont nombreux. La grande priorité c’est : comment assurer la pérennité économique des entreprises, assurer demain la production de raisins pour continuer à mettre du vin sur le marché ? Cela passe d’abord par palier aux aléas climatiques, tout en réduisant notre empreinte carbone.
Cela va dans le sens des évolutions sociétales au sens large, ce n’est pas spécifique à la viticulture. Tout le monde doit chercher des marges de progrès. Le fait que cette question du bilan carbone s’invite tout particulièrement dans nos réflexions est multifactorielle. La particularité de la viticulture est qu’elle produit et transforme elle-même sa matière première, à la différence d’autres secteurs agricoles. On est aussi, souvent, en contact direct avec le consommateur final, avec les opérateurs qui gèrent les mises en marché, donc on est forcément en prise avec ces attentes sociétales, en France comme à l’international, et donc plus réactifs.
L’IFV a évalué l’empreinte carbone de chaque poste, de chaque grande étape de la vigne au transport. Il apparaît que le conditionnement des bouteilles concentre à lui seul entre 40% et 50% de l’empreinte carbone. Les marges de progrès se situent là, et elles sont facilement atteignables, ne serait-ce que dans la réduction du poids des bouteilles. Cela peut se faire sans investissement particulier, c’est une décision qui demande d’abord de la sensibilisation, du metteur en marché au consommateur. La question du réemploi du verre, et du recours à la consigne, est aussi une voie d’avenir. Il faut déjà le développer au niveau local et national : ça bouge doucement mais il faut aller plus vite sur le déploiement de points de collecte, et surtout dans l’évolution des mœurs. Il faut rendre cela plus facile, comme pour les bouteilles de bière en Allemagne.
Il faut distinguer la réduction des émissions et le stockage du carbone. Ce sont deux actions complémentaires, et l’une ne va pas sans l’autre. L’agroforesterie permet de stocker du carbone grâce à la présence d’arbres à proximité des vignes, et c’est très bien ; mais cela ne doit pas nous empêcher de réduire nos émissions, en faisant si possible moins de passages en tracteurs pour les traitements, etc. Le modèle le plus vertueux est d’équilibrer les deux.
Sur les pistes d’innovations environnementales que l’on peut découvrir sur le salon, je listerais rapidement : les pépiniéristes (comment on met en place un matériel végétal capable de mieux s’adapter au changement climatique et à la pression des maladies cryptogamiques, par exemple en regardant du côté des cépages résistants), filets anti-grêle (pour sécuriser la vendange face aux aléas climatiques - je précise que ces filets sont autorisés en appellation, il sont accessibles et il y a des aides pour se les procurer), outils d’aide à la décision pour le pilotage de la vigne (notamment pour optimiser le nombre de passages pour les traitements phytosanitaires, ou de coupler les outils pour réduire l’empreinte carbone), solutions de broyage de sarments (une source de matière organique très précieuse pour la vigne, et il vaut bien sûr mieux les broyer que les brûler), bouteilles allégées (on en a parlé précédemment) et démarches d’écoconception (toutes les entreprises qui font l’effort de se remettre en question sur ce point sont à saluer… sans aller vers le « greenwashing » bien entendu !)
Cette question de la ressource en eau doit être réfléchie à la vigne comme à la cave. Côté vignes, l’irrigation est une solution qui va de plus en plus être remise en question sur le plan sociétal. À la cave, tout doit être mis en œuvre pour économiser l’eau (tout comme on doit aussi économiser l’énergie, ne pas alterner sans cesse le recours au froid, au chaud, etc.) sans pour autant que cela se fasse au détriment de l’hygiène. Lorsqu’on acquiert du matériel, il faut tout de suite s’interroger sur son nettoyage, qu’il s’avère facile et peu gourmand en eau.
Oui, elle avance sans cesse. Les viticulteurs ont différentes solutions dont ils peuvent s’emparer. Par exemple sur le plan du biocontrôle, il existe un Wiki Biocontrôle en Viticulture, lancé par le Vinopôle Bordeaux-Aquitaine, qui recense une trentaine de substances actives et plus de 150 produits. Il existe aussi des leviers pour la modélisation des passages, optimiser les traitements phyto, la qualité de pulvérisation et diminuer les doses de produits. On doit toujours composer avec le climat - en particulier en 2024, une année très compliquée - mais il y a beaucoup d’options pour améliorer les pratiques. Cela ne relève pas d’une recette miracle mais de beaucoup de points d’amélioration à conquérir.
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