Jeudi 26 Décembre 2024
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07.06.2021
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Didier Mariotti était prédestiné à devenir chef de caves du champagne Veuve Clicquot. Ce Bourguignon d’origine, ancien chef de caves de la Maison G.H. Mumm, n’a-t-il pas dédié toute sa vie au pinot noir, le cépage fétiche de la Maison ? À travers deux cuvées iconiques, « Vintage 2012 » et « La Grande Dame 2012 », il a accepté lors d’un entretien de nous dévoiler les différentes manières de travailler ce cépage si difficile à maîtriser.
Dans la gamme de la Maison, vous présentez deux cuvées 2012 : Vintage et la Grande Dame, pouvez-vous nous expliquer ce qui les différencie ?
La cuvée Vintage est sur la puissance, la Grande Dame davantage sur la force. Vous allez me demander quelle différence je fais entre puissance et force… La force, c’est une énergie, une vitesse. La puissance, c’est une masse, un volume. Avec la cuvée la Grande Dame, on travaille davantage sur la verticalité et pour Vintage, davantage sur une horizontalité. Il y a plus d’amer sur la Grande Dame ce qui redresse le vin. Sur Vintage, il y a plus de fruit, de texture, ce qui l’arrondit, lui donne ce volume.
Le pinot noir ne représente que 65% de l’assemblage du Vintage contre 90% de celui de la Grande Dame, le reste étant constitué de chardonnay. Pourtant, en les dégustant, la plupart des gens sont persuadés à tort que la proportion de pinot noir est plus importante dans Vintage que dans la Grande Dame, parce qu’ils identifient le pinot noir comme un cépage puissant. Sauf qu’on n’utilise pas du tout les mêmes pinots. Lorsque nous dégustons les vins clairs, nous avons deux critères, la structure et la texture. La structure, on peut la comparer à l’armature d’une chaise : est ce qu’elle est haute ? basse ? comment se tient-elle ? La texture, c’est la manière dont je me sens lorsque je m’assieds dans la chaise. Les vins à texture alimentent en priorité Vintage. Ce sont en général des pinots noirs du Sud de la Montagne. Grâce à leur exposition, ils ont plus de maturité. Compte tenu de leur puissance, on n’a pas besoin d’en mettre autant. Ils se caractérisent par cette belle rondeur.
Les vins qui sont plutôt forts en structure, vont être orientés vers la cuvée Grande Dame. Ce sont souvent des pinots noirs du Nord de la Montagne, moins exposés au soleil et pour lesquels je vais en plus, par le choix de la date de la cueillette, rechercher une maturité moins prononcée pour renforcer encore cette structure, faire ressortir les beaux amers et la tension. Si on fait 10,5, je suis très content, parce que j’ai vraiment envie de trouver cette force alors que la complexité pourra toujours venir ensuite, avec le vieillissement. Je trouve que si on pousse trop la maturité sur les pinots, on rate cette fenêtre de tir, celle de la délicatesse, de l’élégance, de la dentelle. Un grand Bourgogne n’est pas puissant, il est élégant, mais par contre il a une capacité de vieillissement exceptionnelle.
(photo VEUVE CLICQUOT / ROMAIN LAPRADE)
Je pars du principe qu’un grand vin doit d’abord être dressé, on peut construire ensuite toute la texture autour. Si vous vous asseyez tout de suite dans un pouf, vous avez beaucoup de mal à vous redresser. Par contre, si je vous donne un grand tabouret et que je vous mets un coussin en dessous, vous êtes très heureux, parce que vous dominez. Un grand vin qui n’a pas de structure au départ ne pourra pas exister. C’est comme une plante, elle commence d’abord par pousser, la tige sort et ensuite seulement les feuilles se développent. Mais si elle reste au ras du sol, vous ne ferez pas grand-chose avec. Si je ne commence pas sur une Grande Dame à lui donner cette structure-là, je ne pourrai pas lui donner après la texture tout en maintenant la cuvée droite, grande. La Grande Dame repose vraiment sur cette idée de grandeur, de droiture.
Doit-on en déduire une hiérarchie entre les deux cuvées ?
Non. Cela ne veut pas dire que Vintage n’est pas un grand vin. Cela signifie juste qu’à un moment donné, on s’est orienté vers deux partis pris différents pour obtenir deux styles bien distincts. Vintage est vraiment un vin gourmand, avec des fruits bien mûrs, presque compotés, une opulence. On a assumé ce choix de rechercher d’abord la texture en incorporant des vins vinifiés en foudre (10 à 12%), ce qui renforce encore cette complexité. Il est plus habillé. C’est un champagne de gastronomie, de repas.
La Grande Dame est plus initialement sur l’agrume et la minéralité. C’est un vin délicat, même si la texture s’enrichira en vieillissant. On voit par exemple le côté miel qui commence tout juste à poindre. Le vin est encore en pleine jeunesse. C’est un champagne d’apéritif même s’il peut ensuite passer sur un plat, lequel sera plutôt un plat d’entrée ou un poisson. Notre volonté est vraiment de créer deux univers différents. Il ne fallait pas perdre les gens surtout dans la mesure où nous avons lancé ces deux cuvées du même millésime presqu’en même temps. Vous avez fini votre journée, vous avez envie de décompresser, vous irez sur la Grande Dame, cela va vous rafraîchir. Une fois bien rafraîchi, vous vous dites, je vais dîner, j’ai envie d’un poulet, d’une belle viande, et là vous ouvrez une bouteille de Vintage…
Prix recommandés : La Grande Dame 2012 – 190 € / Vintage 2012 – 56 €
www.veuveclicquot.com
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