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Xavier Thuizat en masterclasses à Découvertes en Vallée du Rhône

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

29.03.2025

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Le chef sommelier de l'Hôtel de Crillon, meilleur sommelier de France en 2022, MOF (Meilleur Ouvrier de France) en 2023, animera plusieurs masterclasses à DVR pour parler de Laudun, Vinsobres, Lirac, mais également Saint-Joseph, Cornas et saint-Péray. Nous l'avons interroger pour mieux comprendre sa vision des vins de la vallée du Rhône.

Vous animez plusieurs masterclasses sur les appellations rhodaniennes pendant DVR. Quel est l'intérêt selon vous d'une telle manifestation?

L’intérêt de Découvertes en Vallée du Rhône est d'abord de pouvoir discuter facilement avec des producteurs. C'est surtout l'occasion de faire son marché en direct auprès des vignerons, de goûter des nouveautés, de prendre des contacts, de faire un point sur la carte des vins du Rhône et de découvrir des jeunes talents. Cela permet de se reconnecter avec le terrain. Pour moi, c'est un vrai retour aux sources puisque j’ai été éduqué au vin dans cette Vallée du Rhône, au lycée hôtelier de Tain L’Hermitage. En animant les master classes, j'aime l'idée de prescrire ces appellations qui façonnent le Rhône, d’évoquer leurs paysages viticoles uniques, de fournir des outils de prescription avec des mots choisis pour les sommeliers qui sont souvent nombreux afin qu’ils les transmettent au public. Les consommateurs ne connaissent pas bien ou pas du tout des appellations comme Laudun, Vinsobres, Lirac... qui font pourtant partie des trésors de la Vallée du Rhône. C'est à nous, sommeliers, de créer un dialogue entre producteurs et consommateurs, parce que la chaîne est parfois rompue entre celui qui fait le vin et celui qui le boit. 

Comment expliquez-vous le manque de notoriété de ces appellations ? 

Leur principal inconvénient est souvent d’être à côté de géants comme l’icône rhodanienne Châteauneuf-du-Pape, mais aussi le duo Gigondas-Vacqueyras. Et puis, bien sûr, dans le Nord, vous avez Saint-Joseph, Hermitage, Côte-Rôtie, Crozes-Hermitage qui écrasent tout. Et finalement, quand un consommateur de vins a goûté ces crus, il peut avoir l’impression d'avoir fait le tour de la région. Il est pourtant loin du compte. Il faut goûter Vinsobres tout en élégance et en finesse. C'est l’appellation la plus au nord qui a admis le mourvèdre et la syrah y est l’une des meilleures au Nord du Sud, grâce à l’altitude et aux nombreuses forêts qui apportent de la fraîcheur. Lirac car toutes proportions gardées, c'est une appellation très dynamique, perçue comme un 'petit châteauneuf' même si pour moi, cette dénomination est trop réductrice. Laudun qui fait des jolis blancs qui viennent d'être reconnus pour le cru.

Ce sont aussi des appellations avec de bons rapports qualité-prix...

À l'heure où les sommeliers se plaignent des tarifs qui augmentent, ils devraient en effet s’intéresser à ces vins, souvent à moins de 10 € hors taxes. Mais ce sont aussi des 'petites' appellations qui donnent de l'émotion. C’est aussi une histoire de curiosité car il faut reconnaître que certains sommeliers, surtout dans les restaurants étoilés, parfois par snobisme, vont plutôt chercher la facilité. Sauf que notre métier doit être ancré dans l'innovation, la recherche, la transmission. C'est par ces appellations que l'on va gagner le pari de faire découvrir à un client une nouveauté. C'est aussi notre plus-value. Pas besoin d’un sommelier pour goûter un Châteauneuf. Et même si ce mot est souvent réservé à la médecine, je pense que notre rôle est d’être un prescripteur en qui le consommateur a confiance. De plus, si les clients s'ennuient, ils boivent moins de vin. En dynamisant l'offre avec régulièrement des nouveautés, tous les 15 jours ou tous les mois, en faisant découvrir des vins méconnus, des appellations 'canailles' et digestes, le client a passé un bon moment mais il repart aussi du restaurant avec le sentiment d'avoir appris quelque chose. 

La vallée du Rhône a-t-elle une carte à jouer sur une couleur en particulier ?

Le spectre gastronomique actuel conduit les chefs à aller plutôt vers le végétal, le poisson, à réduire la viande, d’où l’avantage aux blancs. L'hiver, quand il fait froid, on a envie de rouges mais l'heure n'est plus aux vins puissants, tanniques et chauds. Il n’y a donc qu’un moyen de résister aujourd’hui, c’est de passer aux vins digestes. Des rouges infusés, délicats, rafraîchissants. Car tout ce que l'on boit actuellement avec plaisir sont des boissons fermentées qui sortent du réfrigérateur comme les blancs, les rosés, la bière, le cidre... Tavel par exemple se trompe de discours. Au lieu de se présenter comme le rosé le plus puissant de France, il devrait communiquer sur le fait qu’il est le rouge léger le plus ancien et qui se boit frais toute l’année . De plus, leur couleur est très tendance en tant que rouge léger, pas forcément pour un rosé.

Les bulles ont-elles un avenir en vallée du Rhône?

Je crois beaucoup aux vins effervescents avec peu de degrés d'alcool comme la clairette de Die à 8 degrés et le muscat est un vrai atout, une énorme tendance sur les terrasses qui peut aisément concurrencer le prosecco, nature et surtout en cocktails. Les Italiens ont osé faire tomber le rideau de la sacralisation du vin en autorisant la mention vermouth pour les mythiques DOCG, Barolo et Amarone della Valpolicella, pour une utilisation en negroni premium. Ça change tout en effet au niveau du cocktail qui gagne en éclat, en densité, en puissance, et en texture en bouche. En France, si quelqu’un suggérait de faire la même chose avec un côte rôtie ou un Hermitage, on le prendrait pour un fou. Il faut pourtant faire preuve d’audace pour avancer et ne pas rester camper sur des règles d’AOC qui datent de près d’un siècle. Car de l’eau a coulé depuis sous les ponts. Les bulles rhodaniennes ont donc toute leur place sur la scène cocktail, et peuvent être facilement utilisées par des barmen en remplaçant par exemple le tonic par la clairette qui, de surcroît, affiche des prix intéressants. Pour le St Peray qui fait des bulles et des vins tranquilles, je miserai plutôt sur les tranquilles qui peuvent être de grands vins en marsanne et/ou roussanne.