Accueil Dégustation Enosens dévoile 2023 en pré-primeurs

Enosens dévoile 2023 en pré-primeurs

Auteur

Laura
Bernaulte

Date

22.01.2024

Partager

Trois mois avant la fameuse semaine des primeurs qui se tiendra dans le vignoble bordelais du 22 au 25 avril prochains, le cabinet d’œnologie Enosens – regroupant les laboratoires de Cadillac, Coutras, Grézillac, Saint-Savin et l’Union Régionale Agricole Bordelaise (URAB) – a convié les professionnels vendredi dernier au stade Matmut Atlantique, pour leur faire découvrir 50 échantillons 2023 représentatifs de 24 appellations bordelaises. Que réserve ce millésime ? Le point avec Pascal Hénot, directeur du laboratoire Enosens Coutras.

Pascal Hénot, à quoi s’attendre avec ce millésime 2023 ?
Le premier mot qui me vient, c’est que c’est une surprise, et même une belle surprise ! 2023 ne partait pas vraiment bien, du fait de la météo et du mildiou, les deux étant très liés. La particularité de cette année, c’est son profil chaud et humide, quasiment tous les mois ayant été plus chauds et arrosés que la moyenne. Ce climat, qui a pu être qualifié de tropical, a fortement favorisé la pousse de la vigne. La floraison s’est bien passée, avec une plante luxuriante et beaucoup de raisins qui ont rapidement pris en volume. Favorable à la plante dans un premier temps, ce climat ne l’est pas forcément pour la qualité de la vendange, avec deux risques : la dilution et le développement de maladies, dont notamment le botrytis et le mildiou, qui a été le grand fléau de cette année, encore plus qu’à l’accoutumée. Arrivé fin avril, il a été contenu par un mois de mai sec, avant d’exploser avec un mois de juin chaud et humide et de continuer à se propager en juillet, avec l’humidité ambiante. De mémoire de vigneron, c’est du jamais vu. Malgré la véraison qui a arrêté les dégâts de mildiou fin juillet, cette conjoncture a engendré des pertes de récolte plus ou moins importantes selon les secteurs, les situations particulières et les moyens de lutte qui pouvaient être mis en œuvre, pouvant parfois aller jusqu’à 100 % de pertes sur certaines parcelles. Le grand entre-deux-mers a été particulièrement touché, du fait d’une pluviométrie plus élevée qu’ailleurs. Ce tableau n’était pas très réjouissant, jusqu’à ce qu’une métamorphose comme je n’en ai jamais vue se produise fin août. Le temps a changé d’un coup avec une canicule qui a stoppé nette la croissance de la vigne. A partir de là, une période chaude et sèche a débuté, avec un stress hydrique bienvenu. Ce bel été indien a entraîné le flétrissement des baies, avec une perte de 20 % du volume qui a permis de tempérer la dilution précédente, et a accéléré la maturation. In fine, on a ramassé des raisins de belle qualité. C’est ça la bonne surprise !

A propos de belle qualité pressentie, comment s’annonce plus en détails ce millésime 2023 dans les trois couleurs ?
2023 a très clairement été marqué par le réchauffement climatique, avec des vendanges précoces. Les crémants ont été les premiers vendangés, juste après le 15 août, suivis par les blancs secs dans les derniers jours d’août. Ces derniers ont été peu impactés par le stress hydrique, ce qui est parfait pour de jolis blancs de typicité bordelaise. Les rosés ont quant à eux été vendangés début septembre. Pour ces trois types de vins, ce millésime a été propice à une belle typicité bordelaise, avec des profils très aromatiques et avec une jolie tension sur la fraîcheur. Quant aux blancs liquoreux, le millésime a bénéficié de l’été indien et des petites pluies fin septembre, qui ont favorisé le développement de la pourriture noble. 2023 est un grand millésime de liquoreux, tant en qualité qu’en quantité.

Du côté des rouges, la métamorphose qui s’est produite à l’automne a permis d’obtenir de jolis raisins concentrés et aromatiques, à l’origine de vins colorés, sur la rondeur de bouche plus que sur la concentration. Aujourd’hui, avec le réchauffement climatique, les tanins ne sont plus construits comme auparavant, ils sont plus souples, ronds et fondus, offrant la possibilité d’apprécier les vins plus jeunes, ce qui va dans le sens du marché. 2023 présente ainsi un équilibre très original que je n’ai jamais rencontré en 38 millésimes, avec en bouche des tanins doux et une sucrosité caractéristiques de vendanges mûres d’un millésime chaud, et en même temps une remarquable fraîcheur aromatique au nez. Cette combinaison donne une super buvabilité. Seul petit bémol : une partie de la production est parfois un peu légère, liée à des rendements parfois élevés, mais ces vins n’en restent pas moins agréables par leur rondeur et leur souplesse.

Certains terroirs réussissent-ils mieux que d’autres en 2023 ?
Oui, car l’une des limites a été la concentration. Elle est meilleure dans les terroirs argileux, qui réussissent souvent bien à Bordeaux. Ils agissent comme des éponges, retenant l’eau quand elle est en excès, et la relarguent quand la vigne en manque. Les secteurs où il a moins plu ont naturellement eu moins de problèmes de mildiou, donc réussissent mieux. De façon générale, cette année, pour réussir, il fallait être très précis dans le tri à la vendange. Au global, il y a de belles réussites sur les deux rives.