Dimanche 5 Janvier 2025
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24.02.2016
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Moët & Chandon signe une nouvelle cuvée très haut de gamme, MCIII. Le nom évoque un épisode de la Guerre des étoiles, et le vin explore de nouvelles galaxies, gustatives et œnologiques. Un ovni.
En préambule, disons-le tout de suite : MCIII n’est pas un champagne courant.
Au niveau du prix tout d’abord. A 450 €, la nouvelle bouteille de Moët & Chandon est clairement positionnée dans la cour des cuvées iconiques, venant même titiller son grand frère Dom Pérignon P2 sur ses terres.
Ensuite, l’emballage – étonnant avec ses courbes et son bouchon d’argent – et la thématique de communication – complexe et intellectuelle.
MCIII code pour Moët & Chandon trois, en chiffres romains. Trois pour le nombre d’univers dont est issu cet assemblage d’un grand nombre de vins millésimés. L’univers de l’inox (le métal) pour les millésimés les plus jeunes, élevés en cuve. L’univers du bois pour ceux, plus anciens, élevés en fûts de chêne. Le verre enfin, pour les champagnes très anciens qui étaient conservés dans leur bouteille.
Surtout, MCIII n’est pas un champagne courant, car il signe une innovation œnologique.
MCIII est un « multimillésimés », chaque composant de l’assemblage est lui-même un millésimé (« la crème » du champagne, et il y en a ici 7 dont certains très anciens !), choisis soigneusement pour leurs caractéristiques complémentaires : 2003 pour son fruité exotique et mature ; 1995 pour son côté ténébreux et à la fois extrêmement vif en fin de bouche ; 1999 pour une quête d’amers domptés ; 1993 pour son potentiel réducteur et protecteur d’un assemblage destiné à vieillir 10 années supplémentaires.
L’originalité de MCIII est non seulement de faire dialoguer ce puzzle de millésimés, dont certains très anciens, au sein d’un assemblage, mais aussi de le régénérer par une nouvelle fermentation, puis fondre l’ensemble par élevage d’au moins dix ans. « Back to the Future », retour vers le futur (sic !), voici une étrange expérience, comme si l’on « régénérait » les vins dans une nouvelle jeunesse, mais avec une forme de complexité, un « vécu » perceptible dans les composants.
Enfin, l’originalité, c’est aussi de pouvoir proposer MCIII dans des volumes non-anecdotiques (200 000 bouteilles pour les 10 prochaines années). Tout ceci n’étant possible qu’à un groupe doté de solides moyens financiers (LVMH) et d’un contrôle de gestion rigoureux (LVMH…), pour porter des stocks de vins aussi onéreux sur de telles durées.
Dans le verre, des strates
Si un seul mot devait décrire MCIII dans le verre, ce serait caméléon. C’est un champagne déroutant et qui se dévoile par strates. Le premier nez est indubitablement sombre et terrien (tourbe, tabac, grillé, toasté), la bouche est capiteuse, profonde, assez mystérieuse, soutenue de beaux amers et dégageant une véritable énergie.
Après quelques instants d’aération dans un verre volontairement évasé, les notes s’acheminent vers un univers plus connu d’évolution : écorces de citron, sucre roux, gousse de vanille, crème catalane, viennoiserie chaude. En bouche, du mâchu, du crémeux, du voluptueux.
Enfin, et à l’inverse de l’évolution normale d’un champagne dans un verre, MCIII rajeunit vers des notes plus éthérées, mentholées, presque « sauvignonnantes » – brassée d’herbes, bâton de réglisse, notes exotiques, cédrat. La bouche est moins profonde, plus déliée, mais harmonieuse et chaleureuse.
Et à la fin de cette dégustation à remonter le temps ; méditer sur l’Etrange Histoire de Benjamin Button (F. Scott Fitzgerald) l’on ne peut s’empêcher !
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