Jeudi 26 Décembre 2024
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23.05.2013
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La première édition du festival Gastro Istanbul (du 9 au 12 mai) fut une bonne occasion de rappeler que la gastronomie anatolienne ne se réduit pas au kebab et qu’il existe d’autres vins que les cinq ou six références que l’on retrouve invariablement dans les épiceries turques ou kurdes du Xème arrondissement.
Durant quatre jours, colloques et dégustations se sont succédé dans l’enceinte du festival, à deux pas du stade centenaire de Beşiktaş, ainsi que dans plusieurs restaurants partenaires.
Quatrième producteur mondial de raisin de table, la Turquie n’est que le trente-sixième producteur de vin car seulement 3% de la production est vinifiée, malgré des cépages de cuve de qualité et une grande variété de terroirs.
Une production d’environ de 600 000 hl/an, répartis entre 145 producteurs et trustée par trois grandes maisons, Kavaklidere, Doluca et Kayra.
Dégustés sur place un Emir (cépage blanc) 2012 de chez Turasan (producteur indépendant en Cappadoce) dont l’acidité se mariait excessivement bien avec celle de la crème de feuilles de vigne de Chardonnay accompagnée de sa dolma (feuille de vigne farcie de riz), suivi d’un homard sur un écrasé d’artichaut relevé au sucuk (saucisson épicé), accompagné d’un Kavaklidere Côte d’Avanos 2011, assemblage de Chardonnay et de l’aromatique Narince (cépage originaire de la province de Tokat en Anatolie centrale et également cultivé en Cappadoce). Le tout préparé par le jeune chef du très select Frankie, Symeon Triantafyllou et accordé par le sommelier, Serdar Kömbre.
La nouvelle cuisine anatolienne puise dans ses racines afin de les réinventer à l’image des mezze (entrées) servis chez Raika comme ces étonnant bulbes d’épinard braisés ou ces Kokoreç (tripes d’agneau rôties que l’on peut encore déguster au coin des rues de certains quartiers d’Istanbul), accompagnés d’un Misket (Muscat sec de la région d’Izmir) 2011 de chez Prodom (producteur indépendant de la région d’Aydin sur la mer Egée).
S’il y a un chef qui va au bout de cette démarche, c’est bien Memet Gürs dans son restaurant à la vue imprenable sur la Corne d’or (cf. photo), Mikla, situé au dernier étage de l’hôtel Marmara Pera. Depuis quatre ans, il travaille avec un anthropologue qui parcourt toute l’Anatolie pour lui ramener les centaines d’ingrédients à partir desquels il construit sa cuisine inventive. A commencer par ce mérou lentement cuisiné, accompagné d’asperges, fèves, salicorne, ciboulette et de sa vinaigrette de figue, remarquablement accordé par la sommelière, Sabiha Apaydin, avec un Vodina Chardonnay 2011 de chez Yazgan (producteur indépendant de la région d’Izmir) ou un Kavaklidere Pendora 2010 (100% Syrah de Kemaliye près de mer Egée).
Et pour répondre à la question qui nous a été posée lors d’un colloque, « les cépages originaux de Turquie ont-il un potentiel international ? », la réponse est sans aucun doute, oui.
Si le dynamisme des producteurs indépendants se combine à la puissance commerciale des grandes maisons, des cépages comme le Narince ou le Bogazkere ne devraient pas tarder à nous devenir familiers.
Texte et photo Jean Dusaussoy
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