Jeudi 21 Novembre 2024
© F. Haudiquert
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Date
16.05.2024
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Voici, en avant-première, quelques-uns de nos coups de cœur avant la sortie de notre numéro de juin, entièrement consacré au vignoble bordelais et à l’analyse du millésime. Après les Crus Bourgeois, place aux Saint-Emilion Grand Cru.
L’aire d’appellation Saint-Émilion est vaste (5400 hectares) et sa mosaïque de terroirs, extrêmement éclatée. Autant dire qu’en 2023, il y a eu autant de scénarios que de propriétés, occasionnant de grandes différences de pluviométrie, de pression mildiou, et donc des cas de figures très variables en termes de maturité des raisins, de rendements et de profils de vin. Impossible de résumer ce millésime à Saint-Émilion, tant il a donné naissance à des jus se situant à des points opposés sur l’échelle de la qualité. Sur une même dégustation, on pouvait trouver des vins somptueux, veloutés, parfumés, mûrs, charnus, pleins de mâche, de vigueur et de tonus, mais aussi des vins maigres, austères, déséquilibrés, décharnés. Il est manifeste que l’injustice des terroirs s’est manifestée sous l’éclairage le plus cru en 2023, ainsi que le décalage entre les propriétés qui avaient les moyens (financiers, techniques, humains, et in fine, en termes de matière grise) de négocier chaque virage de ce millésime exigeant… et celles qui ne les avaient pas. Il est certain que le fait d’être situé sur un beau terroir argilo-calcaire était un plus, mais cela ne suffisait pas à garantir la qualité. Du reste, sur des terroirs similaires, on trouve des vins aux profils très distincts, et à cet égard le plateau calcaire est passionnant en 2023.
Nos coups de cœur
Château Cheval Blanc (Saint-Emilion Grand Cru) : 99-100
On avait adoré la façon dont ils avaient « dompté » 2022 mais, ici, ils jouent leur partition préférée. Sur la vivacité et la vitalité, beaucoup de verticalité, un élan dynamique, une élégance parfumée. La bouche est une calligraphie où se logent d’infinies nuances tactiles. La fraîcheur (menthol, eucalyptus, fleur de sureau, violette) est en soutien constant à la précision de la chair. La persistance du vin est désarmante, interminable. La sapidité est un mot dont on abuse parfois mais ici, il s'impose avec l'évidence d’une couleur de Monet ou d'un accord de Mozart. Un immense Cheval Blanc.
Château La Clotte (Saint-Emilion Grand Cru) : 96-97
Dix ans après son rachat par la famille Vauthier, La Clotte confirme son ascension en beauté. D’emblée, le nez est spectaculaire, il jaillit du verre avec une verticalité vigoureuse. L’aromatique décline une palette florale, sur un jus de fruit rouge traçant. La dimension calcaire du terroir est très présente : la bouche est poudrée, ciselée, articulée, elle a un toucher savoureux et satiné juste teinté d’une trace crayeuse sur la langue. Le vin s’étire en longueur, sur une une grande délicatesse. Finale sanguine, zestée, entre écorce d’agrumes et pierre chaude. Remarquable.
Château Clos des Prince (Saint-Emilion Grand Cru) : 93-94
C'est avec une précision remarquable que le château Clos des Prince réalise un millésime 2023 abouti et de caractère. Préférant réduire les rendements à la vigne pour plus de qualité, il nous offre un vin d'une grande élégance. On y retrouve de la concentration, une belle puissance et une finale mentholée rafraîchissante. Son aromatique d'herbe coupée, de fraise des bois et de légères épices douces confirme cette impression de noblesse. L'acidité encore présente soutient l'ensemble avec une belle harmonie.
Château Petit Val « Muse du Val » (Saint-Emilion Grand Cru) : 94
Nous dégustons la grande cuvée de la propriété. Château Petit-Val est constamment en recherche d'innovation et d'adaptation afin de faire ressortir le meilleur de la vigne. Il nous présente un vin doucement cendré, possédant une sculpture très concentrée sans montrer aucun signe de lourdeur. La trame tannique est nette et bien intégrée. Sa pointe épicée, de poivre blanc, complexifie l'ensemble pour un vin riche et d'une belle rondeur. Il exhibe son ossature musclée avec beaucoup de raffinement. C'est un vrai gentleman taillé pour être dégusté pendant de nombreuses années.
Domaine Simon Blanchard « Guitard » (Montagne Saint-Emilion) : 93-94
86 % cabernet franc, 25 % de grappes entières, la signature emballe d'emblée. De la fraîcheur, de la tonicité, une superbe définition florale (fleur de sureau) qui convoque aussi le clafoutis aux myrtilles. La matière est sanguine, tenue par un très beau grain de tanins, des amers nobles, l'ensemble est d'une parfaite jutosité, pleine et séveuse. Pointe de menthol en finale. Avec du caractère, de l'éclat, c'est un vin vivant et énergique qui nous a vraiment emballés.
La très bonne note
Château La Gaffelière (Saint-Emilion Grand Cru) : 97-98
Encore une réussite pour La Gaffelière qui confirme son retour sur le devant de la scène. Ce 2023 est signé par sa matrice calcaire, laissant discerner un côté saignant, une finesse poudrée qui tonifie le fruit intense. Belle jutosité séveuse, la finale est persistante, portée par de fins amers d’orange sanguine et un nappage chocolaté. C’est un vin tonique, aiguisé et sapide d’un bout à l’autre.
Dégustations collectives les 9 et 10 avril. Notre comité : Mathieu Doumenge, grand reporter. Jean-Charles Chapuzet, journaliste et écrivain. Benjamin Corenthin, sommelier-caviste (Cave La Médecine à Bruges). Michel Petitjean, œnologue-consultant. Julien Morel, assistant de rédaction.
Puis rendez-vous individuels en propriétés (Mathieu Doumenge)
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